Sur la base d’enquêtes statistiques menées par l’INSEE, Un rapport du Centre d’Analyse Stratégique (CAS) étudie le rapport qu’entretiennent les “natifs du numérique” avec Internet dans le but d’améliorer les connaissances. Il dégage aussi les pistes de réflexion pour les actions de formation à destination de ces publics et identifie les acteurs associatifs œuvrant pour la réduction du fossé numérique.

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Notre société est incontestablement entrée dans l’ère du numérique. Mais force est de constater que nous ne sommes pas tous présents dans cette nouvelle société. Si l’utilisation de l’ordinateur et de l’Internet progresse en France, un tiers de la population n’est toujours pas équipé. En outre, permettre l’accès à tous à Internet ne suffit pas, si les citoyens ne cherchent pas à s’y raccorder, ou n’en exploitent pas les potentialités.
Au-delà des questions de couverture du territoire par les réseaux, trois fossés numériques apparaissent nettement, non seulement dans la possession des outils mais aussi dans leur
usage :

  un fossé générationnel

à partir de 55 ans, l’accès à un ordinateur
ou à Internet diminue progressivement, presque
linéairement, avec l’âge. Les seniors en France paraissent
plus isolés que dans certains pays, qui ont su mieux les préparer
à l’utilisation d’Internet en leur permettant d’accéder à
des centres de formation ou en adaptant l’ergonomie des ordinateurs.
Seulement 16,9 % des plus de 75 ans disposent à
leur domicile d’un ordinateur et 15 % ont une connexion Internet,
tandis que 90,8 % des 15-24 ans ont accès à un ordinateur
et 83,73 % ont Internet à la maison. Les seniors, qui
représentent en France environ 21 % de la population, sont
particulièrement concernés : seuls 18 % des plus de 65 ans
utilisent Internet contre 65 % au Danemark et 68 % en Finlande;

  un fossé social

34 % des personnes aux plus faibles
revenus ont un ordinateur à domicile et 28,2 % une
connexion Internet contre respectivement 91 % et 87,1 %
pour les revenus les plus élevés. De manière plus globale,
31,5 % des Français n’ont pas accès à leur domicile à un
ordinateur et 37,1 % à Internet. Si certains ménages
affirment ne pas en éprouver le besoin, le principal obstacle
tient aux coûts trop élevés d’équipement et d’abonnement.
Or l’accès à un prix abordable aux outils numériques et à
Internet haut débit devient chaque jour plus nécessaire ;

 un fossé culturel enfin

les personnes les moins diplômées
ont un moindre accès à domicile à un ordinateur (56 %) et
à Internet (50,5 %).
Certaines populations, au croisement de plusieurs facteurs, sont
totalement à l’écart de la société du numérique, en particulier
les personnes âgées à faible revenu ou à faible niveau d’éducation
et, bien sûr, celles conjuguant bas revenus et faible niveau d’instruction.

Des inégalités se creusent dans
la population la plus jeune : elles sont inquiétantes.

En effet,
si l’on peut espérer que le fossé générationnel va s’estomper
avec la montée en âge de personnes habituées à se servir des
technologies numériques, les fossés sociaux et culturels, qui se
creusent parmi les plus jeunes, risquent au contraire de perdurer
tout au long de leur vie et de les placer à l’écart de la société.
Une attention particulière doit donc être portée aux 15-24 ans
qui n’ont pas accès aujourd’hui à Internet à leur domicile (16
%) ou qui ne maîtrisent pas cet outil, d’autant que le dépouillement
par l’OCDE des tests PISA réalisés en 2006 semble
montrer une corrélation entre les moindres résultats scolaires
et l’absence (ou la très faible utilisation) d’un ordinateur etd’Internet à domicile.

Malgré cette proportion de jeunes
qui ont du mal à utiliser ces nouveaux outils, c’est cette même
génération que l’on peut qualifier de « native » du numérique.
Ceux qui en sont issus auront toujours connu les technologies
numériques. Ils n’ont pas eu à s’y adapter. Ils ne peuvent imaginer
le monde sans ces outils qui modifient leur rapport au
temps, à l’espace, à l’information, aux autres, et qui brouille la
frontière entre l’intime et le public.
L’école, et plus généralement le monde de l’éducation, est
bien évidemment au coeur de la confrontation entre cette jeunesse
native du numérique et une génération plus âgée qui a dû s’adapter à ces nouvelles technologies.

Les technologies numériques permettent d’atténuer les inégalités face à l’école

Dans son avis d’avril 2010 sur le numérique à l’école, le Haut
Conseil de l’éducation souligne que les technologies de l’information
et de la communication peuvent constituer un élément
d’atténuation des inégalités à l’école en renforçant le suivi individualisé
des élèves. Là encore, les mesures mises en place
à l’étranger fournissent des enseignements précieux, même si
la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités sociales relève
d’abord de l’organisation du système éducatif dans son ensemble.
Ainsi, les résultats de la Finlande dans le domaine de l’équité
s’expliquent par la réforme de son système éducatif entreprise
au début des années 1970, bien plus que par l’utilisation des nouvelles technologies.


Les 9 recommandations du rapport :

1 – Plusieurs fossés numériques existent : les combler suppose une action politique vigoureuse et pérenne ainsi que de larges campagnes d’information

2 – Le fossé numérique au sein de la population la plus jeune mérite une attention particulière

3 – Un traitement social de l’Internet est nécessaire

4 – Intégrer les personnes âgées dans la société numérique les aide à rester plus longtemps chez elles et à correspondre avec leurs proches

5 – Les natifs du numérique adoptent de nouveaux comportements reposant sur une plus grande interactivité

6 – Accompagner le « Plan de développement des usages du numérique à l’École » et en relever les défis

7 – L’utilisation des technologies numériques à l’étranger dans le domaine de l’éducation met en évidence un certain nombre de bonnes pratiques

8 – Les technologies numériques permettent d’atténuer les inégalités devant l’école

9 – La formation continue et l’enseignement à distance devraient trouver un nouvel essor dans le développement des technologies numériques

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ETUDE, Le Magazine

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