Nous reproduisons ici un texte du vice-président et de l’administrateur de la Fonda portant sur la reconnaissance réelle du rôle des associations, au moment où la réduction des moyens qui
leur sont données, et l’accroissement des contraintes réglementaires fragilise leur action.
La Fonda est une association dont l’objectif est de valoriser et promouvoir les initiatives citoyennes en faveur du développement économique, social et démocratique de notre société.

Les travaux de la FONDA ont souligné, à de très nombreuses reprises,
l’importance du tissu associatif pour notre société, notamment dans les
champs de l’action sanitaire et sociale, de la culture, du sport, de l’éducation
populaire. Ce sont le plus souvent les associations qui oeuvrent au premier
rang. Leur liberté d’action, leur capacité d’initiative et d’innovation sont
un élément fort du dynamisme de notre société.
Les associations sont d’autant plus fortes et efficaces qu’elles évitent d’être
instrumentalisées par leur(s) financeur(s), surtout s’il est unique ou dominant,
et qu’elles ont la capacité de se regrouper, au niveau national comme au niveau
régional, pour mutualiser leurs ressources humaines et peser dans le débat
politique et social.
Or, depuis déjà de nombreuses années, les relations entre les pouvoirs publics
et les associations connaissent des évolutions structurelles lourdes de
conséquences sur leur financement et, à terme plus ou moins rapproché, sur la
survie de certaines d’entre elles.
Ces évolutions tiennent à la conjoncture budgétaire de l’Etat et à celle des collectivités
territoriales et tiennent aussi à des réformes plus profondes comme
celles consistant à supprimer la clause de compétence générale des départements
et des régions ou bien induites par la réglementation européenne relative
aux aides publiques.

– Les contraintes budgétaires de
l’Etat

Pour sa part, l’État réduit drastiquement ses
subventions. Cela est vrai pour les crédits du
Titre IV, les plus faciles à réduire, dans une
situation budgétaire dont nul n’ignore les
difficultés. Ce mouvement, entamé depuis plus
de 20 ans, s’est considérablement accentué ces
derniers mois. Pour procéder à ces réductions,
l’État s’appuie souvent sur la politique dite « de
révision générale des politiques publiques » à la
suite d’audits qui, dans la plupart des cas, n’ont
pas été menés dans la transparence non plus que
dans le respect des règles de la procédure
« contradictoire ».

Cette réduction des subventions de l’État prend
souvent la forme d’une suppression de nombreux
postes Fonjep, mode particulièrement efficace
d’aide aux petites associations et à leurs
regroupements.
Elle touche particulièrement les regroupements
associatifs, en se masquant derrière la priorité
aux associations de terrain, alors même que la
plupart d’entre elles ne peuvent développer leurs
actions que si elles ont l’appui et le soutien
d’unions ou de fédérations nationales ou
régionales. Sinon, seuls les plus riches peuvent
s’en tirer.

2 – Les contraintes budgétaires
des collectivités

Cette réduction intervient à un moment où les
collectivités locales, touchées par les
conséquences de la crise, notamment dans le
domaine immobilier, voient leurs recettes
diminuer et diminuent par répercussion les
subventions qu’elles versent.
Parallèlement, le fait que les lois de
décentralisation successives se soient traduites
par des transferts de charges sans transfert
intégral des recettes correspondantes, a contraint
un grand nombre d’entre elles à augmenter leur
taux d’imposition. De son côté, le budget de
l’action sociale pesant principalement sur les
départements a considérablement augmenté et
devrait encore s’accroître par l’effet de la réforme
annoncée de l’Allocation Personnalisée
d’Autonomie (APA).

Enfin, la réforme de la taxe professionnelle,
effective depuis le 1er janvier 2010, devrait à
terme avoir des répercussions sur les subventions
allouées aux associations, particulièrement en
zone rurale ou semi-rurale. Cette réforme dont la
finalité est de réduire la charge fiscale pesant sur
les entreprises, s’est traduite par l’instauration de
deux impôts nouveaux : la cotisation foncière des
entreprises (CET), assise sur la valeur locative
des immeubles et la cotisation sur la valeur
ajoutée des entreprises (CVAE) assise sur la
valeur ajoutée de celles-ci. La réunion des deux
constitue la contribution économique territoriale
remplaçant la taxe professionnelle dont l’assiette
reposait sur l’ensemble des immobilisations.
Si du fait de la taxe professionnelle pesait
principalement sur les entreprises industrielles, la
CVAE pèse davantage sur celles à forte valeur
ajoutée. Or, les premières sont plus souvent
localisées dans des zones semi-rurales et dans les
communes et communautés de communes de
petite et moyenne importance, alors que les
secondes se trouvent dans des villes plus
importantes. La réforme devrait donc favoriser
ces dernières.

Toutefois et afin d’éviter une perte de recettes
trop importante pour les premières, la loi a prévu
un système de compensation intégrale par l’Etat
en 2010, et à partir de 2011, grâce à un système
« de garantie individuelle des ressources ».
Mais cette compensation (dont le gel sur 3 ans
annoncé) pèse déjà lourdement sur le budget de
l’Etat. Il ressort d’un rapport Durieux (chargé
d’évaluer les premiers effets de la réforme) que si
la pression fiscale pesant sur les entreprises s’est
allégée de 6,6 milliards d’euros, la contrainte du
budget de l’Etat a été augmentée d’autant (et de
plus de 1 milliard d’euros par rapport aux
prévisions initiales).

Garantir la pérennité de cette compensation
intégrale est donc sans doute à terme illusoire
dans le contexte budgétaire actuel. La plupart des
élus territoriaux s’inquiète déjà de sa disparition
totale ou partielle. Celle-ci s’accompagnerait
d’une diminution importante de recettes pour
certaines communes ou communautés de
communes de petite ou moyenne importance qui
n’auraient alors d’autres choix que d’augmenter
leurs impôts (et le budget des contribuables de
ces communes est loin d’être extensible) ou de
diminuer leurs dépenses. Le plus facile serait
naturellement d’amputer les budgets
d’intervention au détriment des associations.

3 – La réforme des collectivités
territoriales

La troisième menace, tout aussi grave, est la
suppression de la clause de compétence générale
pour les départements et les régions.
De très nombreuses associations développent
leurs initiatives dans les domaines social et
culturel, en particulier parce qu’elles ont
plusieurs sources de financement.

Les réduire drastiquement à un seul financeur
mettra très probablement en péril leur
fonctionnement. Par ailleurs la suppression des
financements croisés accroitra certainement les
risques « d’instrumentalisation » de nombreuses
associations, dont l’indépendance est souvent liée
à l’existence de plusieurs sources de subvention.
Souvenons-nous du ministre de la Culture qui
affirmait « on ne peut tendre la sébile et lancer un
cocktail Molotov ». Les responsables associatifs
ne jettent pas de cocktail Molotov. Ils souhaitent
seulement garder leur regard critique et leur
capacité d’innovation, tout en demandant à
bénéficier de subventions pour leur action au
service du plus grand nombre.

4 – Les incidences du droit
communautaire

La circulaire du Premier Ministre du 18 janvier
2010 relative aux relations entre les pouvoirs
publics et les associations avait pour objectif de
simplifier et de clarifier celles-ci. Tous ceux qui
ont eux le courage de s’y plonger ont pu constater
que cet objectif n’était pas totalement atteint.
Elle concerne en premier lieu l’application aux
associations de la réglementation européenne
relative aux aides publiques, laquelle a vocation à
concerner la grande majorité des associations
désireuses d’obtenir un soutien financier d’une
autorité publique dès lors qu’elles exercent une
« activité économique », au sens communautaire
du terme.

Au-delà d’une aide de 200 000 euros sur une
période de 3 ans, l’association doit justifier
qu’elle est explicitement chargée de l’exécution
d’une obligation de service public et que la
compensation financière est strictement
proportionnée au coût occasionné par l’exécution
de ladite obligation. Dans cette hypothèse,
l’autorité publique doit notifier le concours
financier envisagé à la commission européenne,
sauf lorsque l’aide n’excède pas 30 millions
d’euros par an ou que l’association a été retenue à
l’issue d’une procédure de marché public ou dans
le cadre d’une délégation de service public.
Dans le cas où l’association perçoit un concours
supérieur à 23 000 euros, celui-ci doit faire
l’objet d’une convention pluriannuelle
d’objectifs.

La circulaire distingue deux cas de figure :

 soit l’association est à l’initiative du projet et
elle peut percevoir une subvention ;

 soit la collectivité est à l’origine de celui-ci et
l’on doit respecter soit la procédure d’appel
d’offres propre aux marchés publics soit celle
spécifique à la délégation de service public.
Dans la période de fin d’année où un grand
nombre d’associations est en train de négocier ses
aides pour l’exercice 2011, il est fort à parier que
cette « simplification » ne conduise un certain
nombre de collectivités à la prudence ou donne
l’occasion à certaines d’entre elles de remettre en
cause les aides régulièrement renouvelées depuis
de nombreuses années.

D’autres menaces ont été
écartées – temporairement ?

Pour les associations (et les fondations),
l’assimilation affirmée pour certains du caractère
de « niche fiscale » des dons faits à celles d’entre
elles qui font appel à la générosité du public est
un pur mensonge. Les dons versés ne sont qu’une
autre façon de payer l’impôt.

Remettre en cause la déduction fiscale au
moment même où les subventions de l’État et des
collectivités locales sont en réduction entrainerait
la mise en faillite de très nombreuses structures et
mettrait en péril notre tissu social.
Ceci étant, de telles évolutions seraient dans la
ligne du dédain que manifestent certains
décideurs à l’égard du monde associatif. Il suffit
de regarder les conditions dans lesquelles ont été
effectuées des récentes nominations au Conseil
économique, social et environnemental !

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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