Dans quel environnement économique vivrons-nous en 2025 ? Face au long terme, les économistes sont en général désarmés. Pourtant devant les risques actuels et les attentes des citoyens, ils sont de plus en plus nombreux à s’essayer à la prospective.

Les analyses vont dans le même sens. «La civilisation devra s’adapter à un monde où les personnes âgées constitueront la plus grande partie de la population » explique Jérome Glenn, directeur du Millenium Project. Nos sociétés qui subissent déjà les effets de la sécheresse, des inondations, des cyclones vont davantage souffrir de la crise du climat. Comme le soutient Jacques Attali, « les gens les plus riches du monde considéreront les Etats-Unis et le dollar comme les meilleurs refuges économique ».

C’est l’Asie du sud qui gagnera d’ici 2030 tout le terrain perdu par les pays industrialisés. Les 2/3 des échanges commerciaux se produiront à travers le Pacifique. Ces nations auront le même niveau de consommation. La Chine aura à cette échéance rattrapé le PIB américain et devrait connaître le même niveau de consommation. Elle ne sera plus seulement l’usine du monde» mais son banquier. Quant à l ’Inde elle ne sera plus le «bureau de la planète» mais son laboratoire. Il y aura plus de hauts diplômés en Inde qu’aux USA. Le Brésil misant sur les bioénergies formera lui « le champ du monde ». Les pays riches s’enrichiront, tandis que les pays pauvres s’appauvriront, accentuant les inégalités de revenus et aggravant la situation sociale. Certaines nations seront tentées par des formes d’autarcie. «Nos enfants seront de plus en plus « mondiaux » et « nomades » » souligne J. Glenn.

Dans les pays développés, la grande entreprise industrielle, intégrant toutes les grandes fonctions, de la recherche à la production, voire la distribution de ces produits, et assurant une carrière, une progression salariale à des salariés aux profils très variés, sera en voie de disparition. Le modèle industriel fondé sur la stricte séparation entre conception et ingénierie d’une part, fabrication d’autre part, commence à être remis en cause par des applications qu’inspire l’analogie entre le traitement informatique des bits et celui des atomes ». Cette analogie est nourrie par les nanotechnologies pouvant se concrétiser dans l’évolution du PC (personal computer) en PF (personal fabricator).

Plus vraisemblablement, « on verra en 2025 des modèles de développement coexister à côté du modèle libéral ». Par exemple, la relocalisation de l’économie, grâce entre autre à l’envol du microcrédit qui se généralisera en 2025. Dans un monde ainsi relocalisé, les territoires retrouveraient toutes les marges d’initiative qu’ils ont perdu du fait de la globalisation. Les conséquences financières et sociales seraient tout aussi considérables.

Certains de ces «FabLabs», sortes de mini-usines personnelles permettant de fabriquer toutes sortes d’objets en série chez soi ou dans son village, sont déjà en activité en Norvège et en Inde. Ils profitent des avancées de la miniaturisation et des nanotechnologies. Pour l’économiste Jérémy Rifkin, après la 2ème mondialisation née dans les années 80, avec Internet, la chute du mur de Berlin et la libéralisation des marchés financiers, d’ici 2025, nous serons dans la 3ème mondialisation. Ce sera celle de l’hydrogène et des nanotechnologies, ouvrant la voie à une extraordinaire révolution économique et énergétique.

Pour Rifkin, si l’hydrogène qui est propre et inépuisable n’est pas abandonnée aux grands fournisseurs d’électricité, « les piles à combustible permettront à chaque être humain de produire et même d’échanger sa propre électricité laissant place à une société conviviale, où régnerait l’égalité des chances énergétiques». L’ensemble de nos institutions économiques, politiques et sociales, ainsi que nos modes de vie s’en trouveraient transformés. ». Combinée aux effets structurants de la révolution internet, cette société connaîtra de nouvelles formes de pouvoirs diffus, basés non plus sur le réel et le représentatif mais le visuel et le participatif.

Certains économistes évoquent un renforcement de la tentation protectionniste des pays avec le retour des états sur le devant de la scène à cause du terrorisme, des déréglementations massives, des scandales financiers à répétition. L’état est la «marque» dont la cote a le plus progressé ces dernières années. 60% des Américains le plébiscitent en 2006 après avoir été seulement 20% en 1994. Les modèles émergents plus dirigistes risquent de supplanter les modèles occidentaux.

La société de la connaissance à laquelle nous confions nos espoirs devra faire face aux problèmes des risques mondiaux qui ont tendance à s’aggraver tandis que la capacité à les gérer stagne. La gouvernance des risques sera, d’ici 2025, un thème central de l’économie. Terrorisme, désastres naturels, management de la logistique mondiale, émigration et mobilité, crime organisé, virus informatique sont des priorités à résoudre, affirment les prospectivistes du Millenium Project. Pour eux, nous vivrons dans un société de l’assurance et de l’autosurveillance.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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