La 30e Rencontre nationale du Crédit Coopératif a mis en tension mimétisme et diversité des formes d’entreprendre. L’occasion pour un aréopage de personnalités d’échanger leurs idées. Petite sélection.

“Il vaut mieux avoir tort avec le marché que raison contre lui”. Le mot de Keynes est célèbre. A l’occasion de la 30e Rencontre nationale du Crédit Coopératif le 6 octobre 2010, Pierre-Yves Gomez, Professeur à l’EM Lyon, a pointé le mimétisme qui caractérise la scène économique. Occulter cette attitude mimétique et son emprise, a-t-il affirmé, c’est risquer de se tromper tous ensemble. Les crises s’alimentent fréquemment de cette propension à l’imitation : on finit par imiter ceux qui imitent, dans un emballement irrationnel. Certes, mais pour diffuser un modèle, ne faut-il pas en passer par une invitation à l’imitation ? Pour les entrepreneurs de l’économie sociale, reste à s’accorder sur ce qu’ils cherchent à vouloir faire imiter.

L’univers des normes n’est pas pacifique

L’économie sociale n’est-elle pas déjà par endroits entrée dans des univers normés (banque, assurance, services…), pour lesquels elle n’était pas faite ? Et dès lors qu’elle se décide de rentrer dans un univers normé, a-t-elle bien conscience d’entrer dans une bataille infinie, indéfinie ? Car pour François Ewald, philosophe, professeur au CNAM, président du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique, l’univers des normes – différent de l’univers mimétique – n’est pas un univers pacifique. Chaque acteur cherche à dominer les autres, imposer aux autres ce qui est lui favorable. Cette bataille des normes est-elle alors celle des avantages concurrentiels ?

Longtemps, on a considéré que c’était le rôle de l’Etat de concevoir et d’imposer la norme. Aujourd’hui, il est acquis que c’est aux acteurs économiques et sociaux de le faire. Or, a rappelé Nicole Notat, présidente de Vigéo, l’action individuelle ne peut suffire. Seule l’action collective est en mesure de faire bouger les systèmes existants.

Les dangers de la normalisation pour l’expression populaire

Or, l’excès de normalisation génère un risque d’appauvrissement des référents collectifs concertés. Johann Priou, directeur de l’Union régionale des oeuvres privées sanitaires et sociales (URIPSS) a ainsi pointé les effets néfastes sur la qualité des services et sur la richesse du lien social de l’extension aux associations médico-sociales de la procédure publique des appels à projets. Une preuve de plus de la contraction de l’expression des besoins citoyens par la rationalisation budgétaire.

Alors, comment se protéger du conformisme ? Eve Chiapello, co-créatrice de la formation Management Alter à HEC, a insisté ici sur le rôle de la formation, sur la nécessité de former des réformateurs, des “alter-managers”. « Il faut desserrer l’étau normatif qui domine dans l’enseignement du management. Montrer aux étudiants la diversité du monde est une opération de salubrité, comme le fait de leur montrer les évolutions historiques des modèles d’entreprise.»

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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