Le projet de budget 2011, qui sera discuté à l’Assemblée nationale à partir du 28 octobre 2010, compte, parmi les niches fiscales à réduire, les plus vertueuses d’entre elles : les avantages fiscaux liés à la protection de l’environnement. L’élan du photovoltaïque se voit coupé net.

« Jamais le soleil ne voit l’ombre » disait Léonard de Vinci. Eh bien, si …parfois cela arrive. L’annonce faite le 23 août, par les ministères de l’économie et de l’environnement de diminuer de moitié, de 50 à 25%, le crédit d’impôt accordé aux entreprises pour rattraper le retard français en matière d’énergie solaire a sonné comme un coup de tonnerre parmi les acteurs de la filière photovoltaïque.

Favoriser l’installation de panneaux solaires, grâce à ce crédit d’impôt, avait pour but de faire avancer la France vers l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables d’ici 2020 dans le bouquet énergétique, le solaire formant un indispensable du énergétique français. Particulièrement dans le domaine de l’habitat. On sait que le bâtiment est particulièrement énergivore (45 % de la consommation d’énergie provient de l’habitation). Pour être précis, une installation solaire de 18 000 euros TTC permettait à un particulier, après déduction du crédit d’impôt, de gagner jusque là aux alentours de 24 000 euros sur 20 ans. Avec la réduction de 50% du crédit d’impôt, la même installation ne ramènera plus que 19 000 euros environ sur la même période. Dommage!

Dans le domaine du solaire, Il n’y avait pratiquement pas de fabricants français. L’Allemagne représente le premier parc installé. Les Danois et les Espagnols sont aussi bien placés. En retard sur ses voisins européens, le marché français du solaire photovoltaïque avait donc entamé son mouvement de rattrapage en 2008 en affichant 105 MW installés contre 35 MW en 2007. Selon un bilan du Syndicat des énergies renouvelables, la puissance cumulée du parc photovoltaïque installé en France est aujourd’hui estimée à 850 MW, contre près de 15 000 MW en Allemagne !

Et voilà qu’aujourd’hui, le minimum de 5400 MW raccordés au réseau en 2020 que vise le Grenelle de l’environnement devient une limite à ne pas dépasser! Argument du ministre : le marché des panneaux photovoltaïques connait une « croissance monumentale » et le pays a besoin d’argent. Chasse aux niches fiscales oblige, le photovoltaïque devra payer. A la clé, un gain de près de 2 milliards pour l’Etat.

Le gouvernement a été vite en besogne. A peine installée à la 7ème place mondiale des capacités installées, la filière des installateurs, distributeurs et fabricant se trouve freinée dans son élan. Trois ans, c’est bien peu de temps pour consolider cet amorçage. Car la France reste très à la traîne au niveau européen, derrière l’Italie et loin derrière l’Espagne et l’Allemagne.

« Le soleil se couche sur la filière photovoltaïque » soutient l’association des producteurs d’électricité solaire (APESI). En effet, la transition énergétique et les projets développés dans les énergies renouvelables, en particulier le solaire, ont des durées de réalisation importantes qui implique une stabilité et une sécurité juridique pour pouvoir rester debout au milieu des concurrents. L’APESI dénonce une décision sans concertation qui risque de ruiner les efforts consentis par les PME du secteur. Les acteurs français en question ont investi des milliards d’euros dans le solaire français. On leur reproche aujourd’hui d’en faire trop. Ces petites et moyennes entreprises sont non seulement créatrices d’emplois verts (environ 4 000 emplois directs et indirects) mais également de valeur ajoutée! « Une suite de décisions prises dans l’urgence ne forme pas une politique ! Il n’y a donc toujours pas de politique française du photovoltaïque » déplore Christian Cachat, Président de l’APESI. Le seuil de 500 MW/an évoqué signifierait, pour ce dernier, la clé sous la porte pour les PME, car aucun investisseur ne les accompagnera sur des projets avec un tel taux d’incertitude sur le tarif d’achat final.

Certains n’hésitent pas à parler de « trahison ». On peut à juste titre s’interroger sur le bien-fondé de ces décisions, tant pour l’écologie que l’économie quand on sait que la croissance économique pourrait passer par le développement des énergies renouvelables (génératrice d’emplois, de rentrées fiscales, etc…). Nicolas Sarkozy n’avait-il pas affirmer il y a à peine un an : « Là où on dépense un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies propres. »

Fort heureusement, la croissance verte n’est pas morte, loin s’en faut, mais il est urgent que l’état définisse sur 3/5 ans, des moyens clairs et stables pour atteindre les objectifs visés. Sans cette stabilité, le droit risque de décourager un grand nombre de PME et seuls les grands opérateurs vont se partager le marché. » explique Arnaud Gossement – Avocat associé du Cabinet Huglo-Lepage & Associés, spécialisé en droit de l’environnement. _
« La volonté politique d’aller ensemble vers une croissance verte est indispensable. Le secteur du solaire a encore besoin d’aides à court terme, avant de devenir une énergie compétitive à moyen terme » ajoute Stéphane Maureau – Président et fondateur d’EVASOL. Ces aides sont là pour amorcer un marché : ce sont des booster qui permettront de faire de l’économiquement viable et d’anticiper le mix énergétique de demain».

Comme dit le poète, « le soleil ne se lève que pour celui qui va à sa rencontre »

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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