Face à l’atomisation du tissu associatif, aux disparités extrêmes qui caractérisent le contour et le fonctionnement des structures, le Conseil d’analyse de la société s’est interrogé sur les conditions d’une représentativité équitable et pondérée.

“Les associations remplissent une fonction irremplaçable dans la transposition des problèmes, espoirs ou idéaux privés en projets sociaux identifiés, sur lesquels les responsables politiques de tout bord peuvent alors prendre position et faire des propositions”. Remis le 21 septembre par Luc Ferry, président du Conseil d’analyse de la société (CAS), à Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives, le “rapport sur la représentativité du monde associatif dans le dialogue civil” acte d’emblée l’utilité sociale du tissu associatif. D’où, précise le rapport Ferry, la nécessité de garantir “la plus grande légitimité possible au système de représentation comme à ceux qui l’incarneront”.

Un million d’associations, deux millions de salariés

La France abrite plus d’un million d’associations en activité. Budget global : 59 milliards d’euros. Le secteur emploie près de 2 millions de salariés et fédère 18 millions de bénévoles.

Dans plus de la moitié des cas, le champ d’intervention des structures se limite au territoire communal (et pour 7% à l’échelle du quartier). Moins de 10 % agissent au niveau national, dont 4 % au niveau international.

Cinq secteurs d’activité concentrent près de 90% des associations :

 Sport, chasse et pêche inclus (265 000 associations ; 25% des structures)

 Culture (205 000)

 Loisirs et vie sociale (196 000)

 Défense des droits et des causes (171 000 ; 15,5%)

 Action sociale et santé (124 000 ; 11,3%)

9% des structures mortes-nées

On estime à 37 000 le nombre annuel de nouvelles associations. Un cinquième des créations correspondant en fait à des fusions d’associations, à des restructurations ou à des renouvellements de structures anciennes. L’aventure associative reste globalement fragile. Près de 9 % des associations disparaissent dès leur naissance et que le taux d’abandon est élevé dans les deux premières années.

Face à cette croissance du secteur, le rapport du Conseil d’analyse de la société fait une double remarque. D’une part, la prolifération des très petites structures constitue “une dimension incontournable de la vie associative qui ne saurait sans injustice être ignorée dans le dialogue civil”. D’autre part, leur atomisation extrême et leur faible poids par rapport aux grandes fédérations rendent problématique la définition d’un système de représentation équilibré. “La capacité de dépasser cette contradiction en première approche insurmontable sera un test déterminant pour la crédibilité des réformes proposées”, note le CAS.

Présence variable des réseaux

L’affiliation à un réseau concernerait environ 620 000 associations, soit 56% à 57 % des structures. Pour les associations “employeurs”, ce ratio monte à 69 %. Les plus rétives à rejoindre un réseau se recrutent plutôt parmi les petites entités, ainsi que les plus récentes et les plus militantes. Avec une exception dans le secteur du sport, où les associations, quelles que soient leur taille et leur ancienneté, sont systématiquement affiliées à une fédération.

La question de la représentativité se pose avec davantage d’acuité pour les petites structures. Les grandes associations, comme les grandes fédérations, ont toujours les moyens de se faire entendre.
“Il s’agit d’être certain que les petites associations, celles qui n’appartiennent à aucun réseau mais qui constituent l’essentiel du tissu associatif sur le terrain, puissent faire connaître leurs difficultés, leurs questions et leurs attentes”, souligne le rapport du Conseil d’analyse de la société. Attention notamment au cas des associations fonctionnant exclusivement par le bénévolat (84 % du tissu).

Pour la création d’ Haut Conseil de la vie associative

Parmi les préconisations du Conseil d’analyse de la société :

 Transformer le Conseil national de la vie associative en Haut Conseil de la vie associative, en accordant à des collectifs d’associations un droit de saisine.

 Mettre en place des conseils régionaux des associations, mesure suspendue à une consultation préalable du préfet de région et du conseil régional.

 Renforcer la conférence nationale de la vie associative pour qu’elle ait « vocation à devenir un lieu privilégié de l’expression du monde associatif ». Marc-Philippe Daubresse ayant d’ores et déjà indiqué que la prochaine conférence doit se tenir fin 2011 et que “l’Etat s’engage à la renforcer d’ici là”.

Enormes disparités budgétaires

La représentativité effective des associations est également liée à leurs ressources financières. A cet égard, le CAS pointe l’ampleur des écarts de fonctionnement: si beaucoup d’associations vivent sans budget, certaines parmi les plus grandes disposent de budgets considérables. 15,6 % des associations disposent d’un budget inférieur à 1 000 euros alors que 2 % ont un budget de plus de 500 000 euros.

Le budget annuel cumulé de 59 milliards d’euros se répartit très inégalement entre les structures fondées sur le seul bénévolat et les associations “employeurs” : 10,9 milliards (18 % du budget total) vont aux associations sans salariés, 48,5 milliards (82 %) aux associations employeurs
Le budget moyen des associations sans salariés est de 11 700 euros, celui des associations “employeurs” de 282 000 euros.

Les secteurs aux plus forts budgets sont ceux de l’action sociale et de la santé, qui drainent à eux seuls plus du tiers des ressources globales du monde associatif (21,5 milliards), puis celui de l’éducation, de la formation et de l’insertion (9 milliards), suivi de celui du sport (9 milliards également). A l’autre bout de la chaîne, le secteur de la défense des droits et des causes ne reçoit que 4% du total.

Là encore, précise le CAS, il s’agit d’imaginer des critères de représentativité susceptibles de pondérer le poids économique des structures avec d’autres critères, afin de ne pas minimiser la puissance réelle des grandes fédérations, sans pour autant la privilégier à l’excès.

Un financement public inégalement réparti

La contribution globale du financement public pour l’ensemble du secteur associatif d’élève à 51%. Ce, toutes formes d’aides confondues : subventions, paiements de fournitures contractuelles, de prestations, de journées, de services divers… Avec, une fois de plus, une forte disparité entre les associations “employeurs”, pour lesquelles les financements publics représentent 56 % des ressources, et les associations sans salariés où cette part ne dépasse pas 26 %. Dans les plus grandes associations, notamment celles des secteurs de la santé et de l’action sociale, les financements publics peuvent représenter les deux tiers des ressources. Et il atteint 92 % pour les associations dont le budget dépasse les 500 000 euros.

20,4 milliards d’euros de subventions publiques

Reste que les subventions publiques stricto sensu (c’est-à-dire sans contrepartie de prestations) ne représente que 18 % du financement des associations (38 % pour les associations “employeurs”), soit, chaque année, 20,4 milliards d’euros. Les subventions sont plus importantes dans les secteurs de la défense des intérêts économiques et du développement local (43 % de subventions dans les budgets) ou de la culture (40 %). Alors que des secteurs comme le sport et la défense de droits et des causes sont relativement peu subventionnés.

D’où viennent ces financements publics (subventions et prestations) ? En grande partie des communes, qui soutiennent 63% des associations et financent 14% des budgets, mais aussi des départements (22% des structures et 10% des budgets) et de l’Etat (10% des structures et 12,3% des budgets). La contribution des régions reste très modeste (6 % des structures et 3,5% des budgets). Quant à l’Europe, seulement 1% des associations bénéficie de ses aides.

Les présidents d’associations : mâles, âgés et CSP+

Le rapport du CAS livre également une photographie de la population des présidents d’associations : globalement âgée, peu féminisée, avec une sur-représentation des cadres supérieurs.

 57 % des présidents ont plus de 56 ans et un tiers a plus de 65 ans.

 46 % sont retraités.

 31 % des responsables sont des femmes

 42 % des présidents sont des cadres moyens ou supérieurs, 15 % des enseignants, 8 % des professions libérales et 6 % des chefs d’entreprise.
Notons en outre la forte ancienneté des présidents dans leur fonction, où ils tendent à être plus souvent reconduits que remplacés : un tiers des présidents de grandes associations (plus de 50 salariés) enregistre plus de 10 années d’exercice.

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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