Au delà des initiatives de transports durables, c’est la finalité de la mobilité dans les centres urbains qu’il faut appréhender pour esquisser les villes de demain

« Le futur est généralement très différent de ce qu’on a prévu, la difficulté est de satisfaire les besoins de maintenant et de construire une flexibilité qui accueille les comportements à venir » explique le prospectiviste Mathias Crawford, research manager à l’ « Institute for the Future » de San Francisco.

Des systèmes de bus rapides à New-York ou des autoroutes à vélo à Londres (12 qui vont converger de la banlieue au centre), des voitures électriques qui se conduisent elles mêmes …autant d’initiatives pavées de bonnes intentions. Mais pour dessiner la voiture de demain il faut aussi savoir à quoi ressembleront nos villes à horizon 2020, il ne faut pas mesurer ce qui se passe à l’aune de nos seules capitales européennes européens certes gagnées par l’engouement du vélo.

Le reste du monde, par exemple la Chine, voient se développer de grandes métropoles encore gagnées par la voiture, c’est le cas en Chine mais aussi en Inde, au Brésil avec les conséquences qu’on connaît en terme d’énergie, de pollution, d’embouteillages. Désormais, selon un rapport des Nations Unies, on compte sur la planète autant d’habitants des villes que des campagnes. Et ce phénomène va encore s’étendre pendant les prochaines décennies. Le moyen de transport qui connaîtra le plus de modification dans son usage, dans son image et dans sa conception sera sans doute la voiture.

Jusque là objet symbole, objet de propriété elle ne deviendra vraisemblablement qu’un objet d’usage dénué de toute possession. On estime la flotte mondiale à quelque 800 millions de voitures, pour 7,8 milliards de gens. Un chercheur du MIT Lab, Ryan Chin en a fait son objet de recherche : 7 personnes sur 10 possèdent une voiture dans le monde dit développé.

Repenser la voiture et son usage demain ne peut se faire sans repenser la ville . La taille des véhicules et leur poids sont aussi en cause. Aujourd’hui une voiture pèse en moyenne vingt fois le poids de son conducteur, et tient la place de 15 fauteuils confortables de bureau. Si on considère la place qu’occupe la voiture dans toutes les situations, routes, parking à la maison et au bureau…cela fait beaucoup plus. Pas question de réitérer le même modèle pour le futur. Le groupe Smart Cities au MIT Media Lab a développé une voiture électrique pour deux, la CityCar, Sa longueur lui permet de se garer en travers, à raison de trois dans une place de parking classique. Plus petites et plus légères, et bien sûr plus efficaces sur un plan énergétique : trois facteurs qui doivent entrer dans la conception de la voiture de demain, moins d’autonomie, moins de vitesse puisqu’elle roulera dans des environnements circonscrits.

Les utilisateurs s’adapteront à cette contrainte. Le conducteur et son passager entrent et sortent par l’avant directement sur le trottoir. Une conduite contrôlée électroniquement aidera à à l’harmonie du trafic. Mais surtout comme l’annonçait Jeremy Rifkin dans son livre l’âge de l’accès, il y a plus de dix ans, cela signera la fin de la propriété au profit de l’usage.

Toutes ces initiatives dites durables risquent de ne pas suffire et peuvent s’avérer rapidement obsolètes, si on ne réfléchit à la fonction et à la finalité de la mobilité dans les centres urbains. Se déplacer mais dans quel cadre, pour faire quoi ? Pour comprendre et anticiper les futurs besoins en transports il faut mieux comprendre pourquoi les gens se déplacent dans la ville. Ce qui permettait de créer des villes assez flexibles pour répondre a une demande future encore inconnue.

Ainsi les transformations dans l’organisation des villes avec l’aide des technologies de communication redessinent profondément nos interactions personnelles et donc notre façon d’évoluer dans les centres urbains. Ceux –ci deviendront « eux-mêmes des espaces d’information où l’on naviguera, et de façon plus efficace avec nos corps. Notre situation ou localisation dans la ville sera continuellement connectée aux informations sur les lieux et événements à venir, et les décisions en seront efficaces » poursuit Mathias Crawford.

Les implications liées à l’endroit où l’on se trouve donneront lieu à des plateformes d’échange social, et il faudra en tenir compte en dessinant les villes du futur. « En analysant ces information on perçoit comment les infrastructures et les schémas d’interaction suscitent certaines réponses émotionnelles » souligne le prospectiviste. Relier les émotions à des cartes d’infrastructures qui répondent à des besoins différents : la route du bonheur ou le plus court chemin ? Tel pourrait être le choix de déplacement proposé.

La finalité même du moyen de transport sera différente : le bus peut devenir salle de réunion , le train est déjà depuis de longues années un bureau mobile. A Barcelone des expériences de ce type ont été menées dans le tram devenu un espace de travail collaboratif pour un groupe de passagers . En Fait chaque espace aura la finalité qu’on lui attribue à un instant donné –vie, travail, loisirs, et c’est aussi vrai des moyens de transports.

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

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