Depuis 30 ans producteur indépendant, Jean Rochard (Nato) refuse pessimisme et angélisme.

« C’est facile de tenir un discours misérabiliste. On fait un métier qu’on aime. Ce serait indécent de se plaindre. » A l’heure du bouleversement du modèle classique de la musique enregistrée et de la chute sans fin ( – 50 % en trois ans) des ventes physiques de CD, Jean Rochard, patron du label Nato entend raison –et espoir- garder.

Producteur indépendant depuis maintenant trente ans, Jean Rochard mène son combat en toute petite formation : deux personnes en tout et pour tout -avec Christelle Raffaëlli- pour l’artistique, l’administration et la promotion. Une très petite entreprise qui a réalisé en trois décennies cent cinquante albums sous les labels Nato, Chabada et Hope Street pour une vente moyenne de mille à quinze mille exemplaires avec des records pour un hommage aux chants indiens par Tony Hymas (Oyaté) et un périple musical sur l’œuvre de Jean-Luc Godard avec notamment un héraut de l’underground new-yorkais,John Zorn.

La culture du chiffre n’est pas le credo de Jean Rochard. « Il n’y a jamais eu d’Eldorado. Notre métier d’indépendant a toujours été très difficile financièrement ». Il se souvient comment jeune photographe, il a commencé par organiser des concerts dans son village Chantenay-Villedieu, commune sarthoise d’à peine mille habitants, ce qui donna naissance à son premier album, un duo de contrebasses (« Conversations ») François Mechali-Beb Guerin.

Ses exemples dans la profession se dénommaient Gérard Terronès (labels Futura, Marge) et Jean-Jacques Pussiau (Owl, NighBird et maintenant Out Note) qui aujourd’hui encore exercent leur métier en toute indépendance… et en toute austérité. Quelques économies personnelles et un petit prêt bancaire ont suffi à Jean Rochard pour se lancer dans l’aventure. « Rien d’un projet économique, un choix d’existence ».

 Une action de compagnonnage 

Son plan stratégique, c’est sa passion. Sa ligne éditoriale, ses coups de cœur. Empruntant selon ses propres termes « le chemin des écoliers », Jean Rochard aura ainsi produit aussi bien des avant-gardistes du jazz –Steve Beresford, Louis Sclavis, Michel Portal, Sam Rivers, Jacques Thollot- que Sidney Bechet, Erik Satie ou les voix de la Commune de Paris. « Mon rôle de producteur c’est d’abord d’être le premier auditeur. Là il faut être vigilant sur l’artistique. Et tout est ensuite une affaire non pas de styles mais de relations avec des personnes. Produire un disque, cela ne se monte pas sur un dossier mais sur une action de compagnonnage. »

Bien sûr, les contingences matérielles ne peuvent être ignorées. « Tous les moyens de financement sont possibles-publics ou (et) privés- à condition que le projet artistique initial garde tout son sens ». Mais Nato (www.natomusic.fr) reste une très petite entreprise qui veut garder en mains toute la chaîne de la production, apportant un soin méticuleux à la présentation de ses albums : un livret de 56 pages sous forme de scénario dessiné par Stéphane Levallois pour « The Zimmermann Shadow », voyage au pays de Bob Dylan (Robert Zimmermann à l’état-civil) signé par le guitariste Jef Lee Johnson. La distribution est déléguée certes mais depuis peu à « L’autre distribution »,opérateur spécialisé dans la chanson et les musiques du monde, qui mène « un véritable travail artisanal ».

Un « Allumé du Jazz »

Artisanat, artistique… Jean Rochard entend continuer à faire entendre sa petite musique d’indépendant quand les majors tendent à remplacer les directeurs artistiques par des directeurs marketing. Une démarche qu’il partage avec une vingtaine de labels membres de l’association « Les allumés du jazz » qui publie un magazine décapant et gratuit « à la périodicité diablement aléatoire ». Refusant avec la dernière extrémité le concept de musique gratuite, le fondateur de Nato reste confiant, trente ans après son premier album. «  Il y a énormément de bonne musique. Encore faut-il aller la chercher. »

 en savoir plus

les allumés du jazz : www.allumesdujazz.com

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