Et si les réseaux sociaux étaient mis à disposition de la collectivité et de la citoyenneté pour leur donner une nouvelle dimension ? Une expérience menée par la 27 ème Région dans le cadre de ses « résidences en territoires » autour du réseau social ruche.org de la ville de Rennes montre comment on peut trouver le chemin d’une citoyenneté augmentée.

La 27 ème Région , laboratoire d’innovation publique des régions de France a lancé en 2009 une initiative, portant sur des projets créatifs menés en immersion dans des lieux ou des territoires, baptisée « territoires en résidences ».

Le principe de la « résidence en territoire » est de mettre en immersion pendant plusieurs semaines une équipe pluridisciplinaire (designers, innovateurs, architectes, sociologues) et de tester des innovations afin d’imaginer une nouvelle façon de produire des politiques publiques plus proches des usagers. Une des dernières en date a porté sur un réseau social local existant dans la ville de Rennes, ruche.org, crée en 2008, soutenu et animé par l’association Bug. Aujourd’hui quelque 1600 rennais y sont inscrits.

La démarche de la 27eme région fut à travers cette expérience de se demander quelle place il y avait sur les territoires, et quelle alternative citoyenne pouvait exister pour des réseaux sociaux qui n’ont pas de vocation commerciale ou publicitaire.

Des passerelles entre le virtuel et le réel

L’équipe pluridisciplinaire en immersion à Rennes a initié une série d’ateliers, entretiens, expériences… dont il est ressorti plusieurs constats : un réseau social local est un bien commun public avec un compte tenu accessible à tous ; il contribue à la visibilité de l’activité de la communauté sur l’internet mais aussi dans ses prolongements avec des actions sur le territoire relayées par les autres moyens que l’internet, à travers notamment une présence dans l’espace physique. Son contenu doit être à la fois informatif et informel (sensible) car le citoyen passe de l’un à l’autre.

Il y avait dans le cas de laruche.org un besoin évident de reconnecter physiquement ce réseau virtuel au territoire. «Le réseau social associatif de Rennes existait mais on ne savait pas trop quelle était sa finalité, explique Stéphane Vincent, directeur du projet la 27eme Région, au-delà d’une sorte de mariage entre Facebook et Google map, la première question était à quoi peut-il servir ? Dans le cas d’un réseau social local l’objectif peut être fonctionnel ou plus informel, il y a plein de degrés. Il fallait établir quelle était l’intention de la mise en œuvre d’un tel réseau, au-delà de l’innovation technologique » .

Innovation sociale

En fait à travers les différents ateliers, la question des valeurs du projet a été précisée, les mécanismes ont été décortiqués. La résidence a consisté à créer des passerelles entre le projet numérique et le réel, à rendre plus tangible ce que pouvait apporter au niveau du territoire, ce réseau social.
C’est ainsi que trois expériences ont été menées.

Tout d’abord l’affichage de la carte de « la Ruche » (qui localise les actions, et maisons associatives dans la ville) dans le réel, sur des panneaux urbains et ensuite dans le magazine municipal. Une autre expérience a porté sur le « partage de souvenirs » : les premières phrases de récits sur la vie de quartiers écrits par les habitants ont été imprimées sur le bitume; chacun peut ainsi lire la suite en allant sur le réseau social. Enfin un service de covoiturage a été testé en ligne et des panneaux d’information plantés aux abords de lieux de stationnement sauvage.

D’autres projets ont été élaborés comme un « calendrier commun » ouvert regroupant toutes les manifestations, ou encore « ma bulle publique » ( un message lancé sur le site est accessible en balayage de la carte, il peut décrire une action temporaire lancée par un groupe de personnes), des groupes de discussion, l’organisation d’événements, des ateliers de traduction sont accessibles…

Une citoyenneté augmentée

On voit dès lors comment les réseaux sociaux locaux peuvent déboucher sur une « citoyenneté augmentée », comme on parle de « réalité augmentée ». « On constate en général que les acteurs officiels, les villes, les institutions ont souvent du mal à réaliser qu’il existe une vie citoyenne souterraine , une vie de quartier qui fait déjà l’objet de publications sur des sites ou des blogs. Il y a toute une activité numérique des territoires que les élus ne voient pas » poursuit Stéphane Vincent.

Que ce soit dans les « résidences en territoires » de Rennes ou de Bordeaux (avec des salades de blogs), la 27 eme région s’est efforcée de repérer ce qui se passe à l’échelle des quartiers – de façon individuelle ou collective. On fait des sortes de « carottes d’activité numérique » ( comme des carottes glacières) au niveau des quartiers, il existe des réseaux ludiques, professionnels , sportifs , liés à l’environnement… si on ne voit pas l’existence de cela, on passe à coté de ce qui peut être une politique de quartier ou de territoire » insiste Stéphane Vincent

Reste à rendre visible sur cette activité numérique des citoyens en la rassemblant.

C’est ainsi qu’on se met dans une logique d’innovation sociale avec une idée de co-production. La fausse bonne idée pour une ville, c’est regarder ce que font ces réseaux, sans prendre en compte leur production sur le territoire, et créer un site web ex-nihilo, sans tenir compte de l’activité numérique locale. Au contraire, il faut mettre tout cela en réseau et construire quelque chose.

Cela participe à renforcer la citoyenneté au quotidien : les habitants qui y participent sont des acteurs , il faut mettre leur projet ou activité numérique au service de la collectivité. C’est un pas vers la coproduction ou co-conception des politiques publiques , à partir de là on peut créer des bases de services possibles dans une démarche qui part de l’usager citoyen.

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

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