La ville 2.0 se dessine à travers la numérisation des services et des espaces. Elle offre aux citoyens des possibilités nouvelles d’interactions, de coopération et de solidarité.

« Minérale et charnelle, historique et politique, la ville est, aujourd’hui, aussi numérique. Elle se décrit, se modélise et se pilote numériquement. Toutes ses innovations comportent une dimension numérique », explique Fabien Eychenne, membre de la FING, dans un livre paru en janvier 2009 (« La ville 2.0 : complexe et familière »). En effet, de plus en plus de puces équipent ses espaces, ses bâtiments, ses véhicules, ses habitants ; et notre vie quotidienne est ponctuée d’échanges numériques. « Ce mouvement exprime et accélère une transformation profonde de notre mobilité, de nos pratiques sociales, de l’organisation de nos temps, du fonctionnement des entreprises et des acteurs publics » souligne l’auteur. Peut-on rendre cette ville « augmentée » à la fois plus personnelle, plus attentive aux aspirations de chacun, mais aussi plus familière, plus accessible et plus collective, s’interroge-t-il.

Même constat du sociologue Bruno Marzloff , fondateur de Chronos, qui parle de la ville comme un 5ème écran. « Les façades et les mobiliers urbains deviennent des écrans. Le trafic routier, les communautés de quartier, les transactions marchandes ou relationnelles, les pollutions, les Vélib’ disponibles, chaque événement est une information qui circule instantanément à travers les réseaux de la ville ». Cet échange instantané de données entre la ville 2.0 et ses usagers, qu’il relate dans son livre « Le 5ème écran, les medias urbains dans la ville 2.0 » forment une sorte de réseau peer-to-peer. Cela permet de nouvelles formes de régulations de la ville : surveillance des pollutions, nouvelles pratiques sociales et économiques, cogestion de la mobilité, etc. Alors, quelque chose de nouveau apparaît, quelque chose qui va bouleverser notre rapport au territoire. Un nouveau média est né et va modifier radicalement notre vie urbaine et la façon de gouverner la ville : c’est le 5e écran.

Une rencontre-expo, organisée au mois de mars par la FING (Fondation Internet Nouvelles génération), s’est penchée sur cette ville 2.0, dont parlent Marzloff et Eychenne.

Cette ville nouvelle, née de l’essor généralisé des réseaux offre aux citoyens des possibilités nouvelles d’interactions, de coopération et de solidarité.

Selon Thierry Marcou, le responsable du programme Villes 2.0 des pratiques internet massives et très diverses existent dans plusieurs villes de France , comme Romans-sur-Isère ou Rennes, montrent que la ville est déjà 2.0. « Dans la ville, il y a de nouveaux acteurs qu’il faut prendre en compte dans la fabrique des services urbains, comme Google qui n’est pas le moins connu. Mais Google a mis en place de nombreux services qui changent notre manière de nous servir de la ville, comme Google Transit, qui propose une information multimodale qui n’était pas toujours disponible ».

La technologie Urban Mobs, développée par Orange Labs et l’entreprise faberNovel permet de suivre ce « pouls » urbain composé de l’activité des foules et de leur mobilité et crée une représentation visuelle de l’activité des téléphones mobiles. Outre l’outil de localisation, de navigation et même de radar que représente la cartographie numérique, cela fournit une sorte de “ cartographie des émotions populaires ».

Le designer numérique Adam Greenfield auteur de « Everywhere », l’un des architectes d’information les plus influents et reconnus aux Etats-Unis, revient sur la notion de Long Here, qui signifie que « chaque lieu, spécifié par ses coordonnées, possède désormais un historique, une profondeur dans le temps, accessible via sa seule localisation ». Selon le directeur du design d’interface chez Nokia, « on peut développer des systèmes d’information capables de retrouver l’histoire de nos rues, de nos immeubles comme on les trouve sur le site Flickr en nous donnant le sens du temps, en nous montrant le passage des saisons en nous replaçant parmi tous ceux qui ont partagé le même endroit, voire une même émotion ».

Un nouvel outil permet aussi aux internautes d’intervenir dans la ville, Clever Commute , né en 2007 dans l’Est des Etats-Unis sur le constat de carences des opérateurs de transports publics incapables d’informer les voyageurs de ce qu’il se passait dans les transports.

Autre exemple, évoqué par Bruno Marzloff, OpenStreetMap où les usagers apportent des informations de géolocalisation pour créer des cartographies libres et gratuites. Sur ce site, les gens s’entraident de manière spontanée et gratuite pour se déplacer.

Les bénéfices que l’on tire d’un service comme Dash, un système embarqué en voiture qui transmet en permanence des informations sur la position de votre voiture et en déduit la vitesse de celle-ci permettant d’apporter une information prédictive sur le trafic. D’un bénéfice individuel, on tire des avantages collectifs : ceux d’une régulation générale.

« Comment cette ville permet aux petits acteurs de passer à l’échelle », se demande Daniel Kaplan, délégué général de la FING ? Comment les acteurs publics utilisent les citoyens pour mettre des informations publiques à disposition, comme Show us a better way ou Apps for Democracy ? « Nous sommes face à un gisement de croissance, à un potentiel inexploité : soyons proactif dans le partage d’information ! On voit bien comment les territoires ont encore à apprendre, mais il y a un enjeu de concurrence qui sera certainement à terme décisif », répond ce dernier..

Jean-Yves Chapuis, élu de la communauté urbaine de Rennes, explique face à cette nouvelle ville numérisée, les élus ne pourront pas rester sur la défensive. « On voit bien que de plus en plus de services se créent. Les technologies de l’information et de la communication doivent aider aux débats du citoyen, parler de mixité sociale et pas seulement de parc et d’espaces verts ». Les imaginaires urbains changent. Il faut pouvoir travailler, co-produire. « Si on veut que les citoyens coproduisent avec les professionnels, il faut avoir du temps. Peut-être demain ne travaillerons plus que 3 jours et nous donnerons un jour à la vie publique et un autre à la vie sociale », ajoute-t-il.

Cela oblige à se poser la question de quelle ville veut-on ?

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ETUDE, VILLE & URBANISME

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