L’inquiétude des jeunes n’a pas échappé au gouvernement. Mais la réponse qu’a apporté Nicolas Sarkozy, le 24 avril dernier, dans son plan d’urgence, est-elle à la hauteur de la crise civilisationnelle que traverse la jeunesse ? Est-ce une respiration sur le long terme ou une simple bouffée d’oxygène ?

Un plan d’urgence pour les jeunes

Le plan présenté par le président Sarkozy, le 24 avril, devrait coûter 1,3 milliard d’euros et concerner plus de 500 000 jeunes. Il cible ceux qui sortent de la scolarité sans diplômes.

Parmi les outils mis en avant par le gouvernement se trouve le contrat de professionnalisation né en 2004. Ce dispositif permet à un jeune de 16 à 25 ans (et à des demandeurs d’emploi de 26 ans et plus) d’alterner formation pratique en entreprise et formation théorique dans un organisme pour 2 ans maximum. Cela représente un avantage par rapport aux contrats aidés classiques, généralement pauvres en formation. Il concerne 216 000 jeunes, le plus souvent des jeunes de 18-22 ans qui préparent un bac professionnel ou un BTS.

Un autre volet du dispositif relève plutôt du traitement social du chômage. Le gouvernement entend développer les « contrats initiative emploi » dans le secteur public et privé. Il envisage des formations  » éclair « , de 6 à 12 mois, très qualifiantes, et des stages intenses afin d’orienter les jeunes vers des secteurs où les forces manquent cruellement. Quant aux jeunes les plus menacés, ceux qui sortiront en juin du système éducatif sans diplôme, ils seront accompagnés le plus vite possible.

Plusieurs associations de jeunes ont aussitôt réagi.

Pour Génération Précaire, le compte n’y est pas
L’association remarque que cela fait plus de 30 ans que l’emploi des jeunes est considéré comme la première priorité de l’état français. Et cela fait 30 ans que l’on va d’échec en échec, au prix d’une précarité grandissante pour la jeunesse.

que cela fait 32 ans que l’emploi des jeunes est la première priorité.

que depuis 32 ans, on ne parle de que de primes et de défiscalisions.

Mais que depuis 32 ans c’est l’échec et la précarité grandissante pour la jeunesse.

Parmi les mesures annoncées par le Chef de l’Etat quelques unes concernent les stages :

1. Prime de 3000 euros pour transformer un stagiaire en CDI : un bol d’air ponctuel à ne pas pérenniser sous peine de graves effets pervers.

Cette prime est une bonne nouvelle pour les stagiaires actuellement en poste. En effet, elle les place en meilleure position pour obtenir un vrai contrat dans la foulée de leur stage. Néanmoins, cette mesure ponctuelle de réaction à la crise ne doit pas être généralisée : on comptait en 2008 1,2 million de stages dont la durée s’allonge de surcroît. Avec la crise, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à remplacer des salariés ou intérimaires par des stagiaires. Généralisé, cette prime de 3000 euros serait une incitation forte à remplacer la période d’essai d’un contrat rémunéré par une période de stage à bas coût.

2. Stages rémunérés à partir de deux mois : c’est une mesure de bon sens.
Car au bout de deux mois les stagiaires sont largement opérationnels. car recrutés comme des salariés ! Génération-Précaire avait d’ailleurs dénoncé l’inflation de stages de deux mois et 3 semaines (pour contourner la rémunération obligatoire à 3 mois). Néanmoins, cette mesure est nettement moins ambitieuse que les propositions intersyndicales qui stipulait :
« Le stage doit donner lieu à une rémunération, ouvrant droit aux protections sociales, notamment la retraite, dès le premier mois, sur une base de 50% du SMIC minimum, variant ensuite en fonction du niveau de qualification et de la durée du stage. »

3. Application à la fonction publique : une avancée en forme de reculade
Génération Précaire rappelle que 3 ministres (Woerth, Santini, Pécresse) avaient promis le 27 mai 2008 que les « stagiaires en responsabilité dans la fonction publique » seraient rémunérés sur la grille des agents de la fonction publiqe, c’est à dire au moins au SMIC, avec congés et protection sociale;
« Pour les stages consistant en la réalisation d’une tâche clairement identifiée, ou au cours desquels l’intéressé est investi de véritables responsabilités, avec un portefeuille d’attributions qui lui est propre, l’étudiant sera pris en charge comme s’il était agent public. Il sera alors régi par des garanties et des obligations équivalentes (protection sociale, congés, devoirs incombant à tout agent public…), y compris en matière de rémunération -c’est-à-dire au moins sur la base du SMIC. »

4. Développement de l’apprentissage : une réclamation de longue date de Génération Précaire.

L’apprentissage est un dispositif nettement plus encadré que les stages et le taux d’insertion à l’issue d’un apprentissage est bien meilleur. Le comité des stages proposait d’ailleurs un objectif de 100.00 apprentis supplémentaires (pour 280.000 en 2008).
L’objectif annoncé de 35.000 est donc nettement moins ambitieux et directement imputable à la frilosité des entreprises. Génération Précaire rappelle cependant que même cet objectif faiblard sera difficile à atteindre en l’absence de véritable encadrement des stages, qui concurrencent largement l’apprentissage.

« 6 mois de stages coûtent 2400 euros à l’employeur, contre 12.000 euros pour un CDD au SMIC chargé, le calcul est vite fait pour l’entreprise » explique Julien. Et Guillaume de renchérir : on voit mal le chômeur de Molex retrouver un emploi si il doit faire face à une concurrence sauvage de jeunes diplômés pris en stage à 400 euros ! »

Pour contrer ce dumping social et ces effets pervers, Génération Précaire propose donc de remplacer les stages de fin d’études (licence et master pro) par de l’apprentissage et profitera de l’évolution législative annoncée par le président pour proposer des amendements – non coûteux – destinés à encadrer le recours aux stages :

 élimination des stages hors cursus

 limitation des stages à 6 mois

 maximum de 2 stagiaires par tuteur

 délai de carence de 2 mois entre deux stagiaires sur un même poste

Au-delà, Génération Précaire déplore l’absence de réflexion sur une véritable autonomie de la jeunesse via l’extension du RSA aux moins de 25 ans. Mesure qui pourrait être financée par la suppression de la demi-part fiscale accordée aux familles qui gèrent un majeur et qui coûte chaque année plus de 4,5 milliards d’euros.

Pour le Mouvement national des chômeurs et des précaires, ce Plan pour l’emploi ne répond pas à l’ampleur des mesures à prendre.
Dans un communiqué, le MNCP note les observations suivantes :

1. Certes, il existe un volet « Formation » important (développement des contrat d’apprentissage et de professionnalisation), « mais il est en contradiction totale avec la politique actuelle de baisse des capacités d’accueil dans les lycées professionnels ».
2. Lors de son Assemblée Générale de Strasbourg des 15 au 18 avril 2009, le MNCP demande un plan d’urgence pour l’emploi comprenant :
La création immédiate de 300 000 emplois durables (type emplois jeunes) dans le tiers secteur associatif et les collectivités locales,
Le maintien et la création d’emplois dans les services publics (santé, éducation, …),
La relance d’une politique de Réduction du Temps de Travail,
L’arrêt des avantages sur les heures supplémentaires qui détruisent l’emploi,
L’instauration d’un Revenu d’Autonomie Minimum pour les jeunes adultes de moins de 26 ans.

http://www.generation-precaire.org/

Mouvement national des chômeurs et des précaires : http://www.mncp.fr/

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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