A travers un échantillon de matière organique on peut donc connaître le patrimoine génétique de tout un chacun. La vulgarisation des tests ADN sur internet démocratise d’une certaine façon la science, mais laisse craindre d’autre dérives comme le fichage plus facile et donc systématique des individus, et/ou leur discrimination par certains acteurs -publics ou privés- de la société. On en a vu les prémisses lors du vote, il y a un an, de la loi sur l’immigration où un amendement introduisait des tests ADN systématiques sur les candidats au regroupement familial. Demain, cela sera peut être des assureurs qui recherchent une séquence potentiellement porteuse de maladie, ou pourquoi pas, des employeurs voire même des bailleurs en recherche de locataires sans problèmes.

Jusque là le séquençage du génome coûtant cher, il freinait les progrès de la médecine, mais aussi les dérives du fichage. Car, par exemple, dans le cas de l’ ADN prélevé par la police pour les besoins d’une enquête, ce qui est prélevé aujourd’hui ne permet que de différencier deux individus mais pas la prédisposition à telles maladies. Mais s’il est moins la police pourra intégrer au fichier national automatisé des empreintes génétiques d’autres éléments plus médicaux, au risque de tirer des conclusions qui n’auraient rien de scientifiques.

Le marché des tests génétiques individuel semble aussi très prometteur, plus d’une dizaine d’entreprises sont déjà sur ce créneau. On parle de génomique personnalisée. Les dites sociétés , sous couvert de prévention-santé, proposent à chacun d’entre nous – à travers un kit vendu autour de 1500 à 2000 euros sans l’intermédiaire de son médecin- d’étudier son génome pour établir son risque de développer une ou plusieurs maladies courantes pour lesquelles des facteurs génétiques ont été identifiés. Pour le moment ces sociétés ne travaillent que sur certaines portions de l’ADN et non le séquençage complet, compte tenu du prix de celui-ci. Il suffit de prélever quelques cellules de la paroi buccale, et après quelques semaines le résultat est transmis par internet.

Les questions éthiques soulevées par une génomique personnalisée sont multiples. D’un coté on valide une approche individuelle des pratiques de santé, au nom d’une responsabilisation plus grande de chacun, ce qui peut devenir la clef de voûte d’une réforme du système de soins. Obliger les gens à procéder à ces tests avant de vouloir les assurer, fixer le prix des prestations ou des remboursements selon les résultats révélés par les tests… De l’autre l’information liée à l’ADN de chacun prend davantage de sens dès qu’on la compare, pour ce faire il faut avoir accès à des données multiples. L’autre grand champ d’interrogations est donc le traitement de l’information génétique. L’ADN va-t-il tomber dans l’escarcelle de l’information marchande. Google qui avait déjà investi en 2007 dans la société 23andMe (plus orientée sur le créneau génétique et généalogie), vient au printemps dernier d’investir dans Navigenics (tests génétiques de prévention santé). Le géant prend donc position sur cet énorme marché des données génétiques, un marché où l’information devra être organisée, où certains voudront la rendre accessible et utile à tous, donc considérée comme un bien collectif, et non comme un bien individuel. L’information génétique va elle être traitée comme toute information ? Certains envisagent déjà d’en faire une matière de communication, d’échange : on connaissait les réseaux sociaux, type facebook, mais l’ADN ou du moins une partie de son séquençage pourrait aussi donner lieu à de nouveaux réseaux ou communautés : de l’approche généalogique, à la comparaison et au partage de ses données génétiques sur la toile,  des réseaux se construiraient selon le génotypes, faisant tomber les barrières entre les pays ….selon les responsables de la société 23andMe. A quand un site de rencontres basé sur la compatibilité des ADN ? C’est justement ce que propose la société suisse GenePartner, avec un test à partir de 199 dollars. Ces promoteurs ont analysés des centaines de couples et ont établi un schéma génétique qu’on trouve dans les relations qui marchent entre deux êtres. Cette société s’adresse soit aux célibataires qui cherchent l’âme sœur, soit aux couples existants afin de vérifier la compatibilité de leur ADN. Pour le romantisme, circuler ya rien à voir ! Bref , on le voit l’ADN va se ficher là où on ne l’attend pas. La question fondamentale à l’avenir sera donc de savoir si notre ADN nous appartient ou s’il devient par force propriété de la collectivité ?

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

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