A l’initiative des enfants du XIXeme arrondissement, un label va être créé pour récompenser les immeubles et commerçants « amis des enfants ». Explications d’Anne-Marie Rodenas, responsable du Cafézoide, le café des enfants.

Le Cafézoide, premier café des enfants, est un espace de liberté. Selon vous, il en faudrait beaucoup d’autres?

« Regardez la ville. Où sont les enfants ? Où peuvent-ils jouer librement ? Dans la rue ? Il y a les voitures. Dans les parcs ? Parfois les pelouses sont interdites et les espaces verts sont de toute façon insuffisants. Dans les cours d’immeuble ? Elles sont de moins en moins accessibles, le bruit, les ballons, tout dérange les habitants.

Petit à petit, l’espace public partagé, celui où l’on peut s’amuser, se restreint, et la vie des enfants devient un enfermement. Leur univers est de plus en plus policé. Ils n’ont pas le temps parce qu’il y a école. Il n’ont pas le droit de sortir seuls. Ils n’ont pas la place de faire tels ou tels jeux. Même leurs relations sont surveillées. Ils ne peuvent plus, comme les enfants de Doisneau, trainer dans la rue et s’amuser avec qui ils veulent.

Les sociologues s’accordent à dire que cette prison dorée que nous leur construisons avec les meilleures intentions du monde – nous voulons les protéger des dangers de la rue et de la société -, est néfaste. Elle les prive d’une autonomie nécessaire, indispensable à leur construction. Quels adultes vont-ils devenir si nous avons peur de tout pour eux, si nous leur transmettons cette peur, que nous ne les laissons pas prendre de risques? ».

Comment leur réouvrir la porte vers l’extérieur ?

« Nous devons reconquérir l’espace public pour eux, avec eux. Cela peut prendre différences formes, mobiliser des architectes, urbanistes, politiques, parents, enseignants, etc. L’UNICEF a fédéré un réseau des villes « amies des enfants » qui partagent ces préoccupations, et dont Paris fait partie. Le Cafézoide y participe. »

La rue aux enfants, organisée début juin, était déjà conçue dans cette optique ?

« Oui. Pendant une journée, le quai de la Loire, le long du bassin de la Villette, s’est mu en rue aux enfants avec des espaces aménagés pour eux, comme l’espace cabanes, pour construire sa maison dehors, l’espace jardinage pour planter des fleurs, ou l’espace bébé, avec des matelats, des jouets, des coussins pour les mamans allaitantes, de lits pour les bébés fatigués, posés là, au bord de l’eau, au milieu des jeux, des cris d’enfants, des aminations, des artistes… »

L’idée du label est de la même veine?

« Ce serait formidable si les enfants avaient de petits endroits pour eux dans la ville, un peu partout. Dans les commerces, pourquoi pas créer des « coins enfants », avec des tables, des jouets, des crayons ou des livres, peu importe. Nous pouvons fournir du matériel ! Dans les cours d’immeuble, on peut imaginer d’aménager des petits morceaux de verdure que les enfants auraient le droit de fleurir eux-mêmes, ou de mettre une balançoire.

Voilà l’esprit de ce label « amis des enfants » que nous allons dessiner et proposer aux commerçants et immeubles du quartier. Sans agressivité. Nous irons à leur rencontre, cet été, pour discuter, informer. Plein d’enfants du quartier ne partent pas en vacances. Avec eux, je voudrais me promener, voir la ville dans leurs regards, écouter leurs envies. Si l’opération réussit, elle peut donner naissance à un petit guide des commerces et immeubles « amis des enfants ». Ou essaimer dans tout Paris… qui sait ».