17 juin 2005

Canal péniche

Cette semaine, dans le XIXeme arrondissement, elle est partout: placardée sur les murs, collée sur les devantures des commerces. Pour annoncer la journée de mobilisation anti-OGM organisée ce samedi 18 juin sur le bassin de la Villette, les associations participantes ont mis la péniche Antipode sur le devant de l’affiche. Le jour J, un énorme ballon gonflé à l’hélium servira de point de ralliement au-dessus du bateau. Une banderole aux couleurs de Greenpeace barrera son flanc.

Le week-end s’annonce vert, une couleur qui lui va bien. Au bar aménagé à l’intérieur, les biscuits se grignotent équitables, la bière se sirote au quinoa. Certains soirs, on y parle le Larzac couramment. Mais l’artiste a d’autres tenues de scène, d’autres coloris en tête.

Il y a quatre ans, elle est arrivée rose et fraîche, pour produire des spectacles pour enfants. Ses nouveaux propriétaires avaient embarqué à bord leurs créations jeune public, rodées au théâtre des Déchargeurs et au Clavel, comme A la recherche du doudou perdu, toujours à l’affiche.

Mais chercher son doudou n’est pas une occupation suffisante pour une péniche. Elle s’est trouvée rapidement mille centres d’intérêt, à la mesure de sa gentillesse et de son ouverture d’esprit. Aujourd’hui, le collectif des associations du quartier ne se réunit jamais sans elle. Les évènements culturels locaux se déroulent en sa présence. Les actions citoyennes entreprises dans l’arrondissement trouvent là un point d’ancrage précieux. Elle aime aussi les enfants, et la proximité du Cafézoide le lui rend bien.

Petit à petit, elle s’est rendue indispensable mais refuse, poliment, de se laisser coller une étiquette. Elle possède un talent certain pour rallier les esprits aux causes qu’elle défend, pour délier les langues et refaire le monde, comme si une péniche était un territoire neutre, que la parole pouvait s’y exprimer librement.

Bref, Antipode n’est pas prête de larguer les amarres, trop indispensable dans le paysage. Dimanche soir, on y dansera la Salsa, ça changera. Les jeudis, on s’y concerte… en musique. Cet été, n’y allez pas. Antipode se retire deux mois, comme chaque année. Les canaux l’exigent: pas de stationnement à l’année. Peut être est-ce mieux ainsi. Une péniche n’a pas les pieds sur terre, c’est aussi pour cela qu’on l’apprécie autant.