Rétinite pigmentaire, sclérose latérale amyotrophique, mucoviscidose, syndrome de l’X fragile, on dénombre entre 5 000 et 8 000 maladies rares qui empêchent de voir, de bouger, de respirer ou encore de comprendre. Des maladies souvent mortelles et pourtant négligées, jusqu’à ce que le collectif Eurordis se fasse le porte-parole de plus de 200 associations, issues de 16 pays différents dont treize sont membres de l’Union Européenne. Zoom sur une concertation paneuropéenne, aussi exemplaire que fructueuse.

L’union, et l’Union en l’occurrence, ferait donc la force. « Pour les maladies rares, c’est exactement ça, confirme Bénédicte Weyl, directrice adjointe du collectif Eurordis. Car si ces pathologies graves, invalidantes et souvent incurables touchent dans leur globalité près de 230 000 Européens, elles concernent chacune très peu de personnes, moins d’une personne sur deux mille selon la législation européenne. Comment faire entendre sa voix dans ces conditions ? Comment s’assurer que les médecins soient formés et informés ? Comment intéresser la recherche privée à des marchés potentiels aussi restreints ? »

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La réponse est venue d’outre-atlantique. Sur les traces de la fédération américaine d’associations contre les maladies rares (Nord), à l’initiative d’une législation modèle en faveur des médicaments dits orphelins, un collectif de représentants de patients s’est donc formé dès 1997 pour veiller à l’adoption rapide d’un règlement européen similaire. Et c’est chose faite. Depuis le 15 décembre 1999, les industries pharmaceutiques bénéficient d’incitations fiscales et financières telles qu’elles ont mis sur le marché, en quelques années, une quinzaine de molécules thérapeutiques pour traiter des pathologies jusqu’alors délaissées.

« Cette unanimité entre associations de patients, industrie pharmaceutique et biotechnologies est le fruit de nos actions de lobbying, détaille Yann Le Cam, directeur d’Eurordis. À travers des courriers et autres indications aux parlementaires européens, depuis la première formulation du texte jusqu’à son adoption, en passant par ses différents amendements, nous nous sommes assurés que la position des malades serait prise en compte ».

Des besoins régulièrement réitérés au sein du comité des médicaments orphelins instauré à cette occasion, qui réserve trois sièges aux associations de patients, dont deux attribués à Eurordis, et leur permet d’influencer la Commission sur l’élaboration et la mise en place d’une politique spécifique pour les maladies rares en Europe.

Au carrefour de plusieurs directions générales

Présence à des groupes de travail, orientation des programmes d’action communautaire, veille sur les sujets à l’ordre du jour, suivi de la jurisprudence : défendre les intérêts de minorités au sein du  » monstre  » européen, de Bruxelles à Luxembourg, prend du temps et de l’énergie. Il faut comprendre le jargon institutionnel comme le rôle des acteurs en place.

Améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies rares, la finalité d’Eurordis, oblige par exemple le collectif à se positionner au carrefour de plusieurs directions générales de la Commission : si la recherche dépend de l’entité éponyme, l’information dépend de la Santé et de la Protection des consommateurs, les personnes handicapées des Affaires sociales et les médicaments des Entreprises ! Sans compter que chacune de ces branches affiche ses propres objectifs, pas toujours convergents, avance à son propre rythme et possède un mode opératoire singulier.

« Répondre à un appel d’offres, c’est ça », illustre Bénédicte Weyl, désignant plusieurs kilos de dossiers reliés au cordeau et prêts à être expédiés. Elle poursuit : « Avec des consignes et un calibrage de rédaction à suivre à la lettre, un plan d’action pluriannuel à détailler, un montage financier en conséquence, qui doit inclure l’apport complémentaire de sponsors même si leur concours reste suspendu à une décision ».

En sachant que le tout doit être bouclé en un mois, pour une réponse qui en prendra bien plus. Idem pour les consultations publiques, auxquelles les différentes parties doivent réagir rapidement au travers d’un  » position paper  » à rédiger expressément. « C’est chaud ! », commente la diplômée d’HEC, pourtant familière des cabinets d’audit et du terrain diplomatique de la solidarité internationale. Mais c’est la rançon d’une philosophie démocratique, qui permet à chaque partie prenante d’exprimer son point de vue.

Du lobbying

D’où l’arrivée récente d’une « European public affair officer », pour ne pas dire lobbyiste, chargée de renforcer la présence d’Eurordis à Bruxelles. « Il s’y passe plein de choses et c’est complexe. Même si nous travaillons tous déjà au niveau européen – nous sommes douze, pharmaciens, biochimistes, médecins épidémiologistes, direction générale -, il faut savoir précisément comment, quand et par qui ça se passe ».

L’ancienne attachée parlementaire, concernée elle aussi à titre personnel par le combat d’Eurordis, aura bien des sujets à démêler, et avec habileté. Exemple anecdotique, mais évocateur : « Nous avons su qu’un groupe exerçait une grosse pression pour faire interdire la recherche sur les animaux. Or, c’est une phase incontournable des essais cliniques. Comme nous sommes limités en temps et en argent, nous avons évalué les contre-pouvoirs susceptibles d’intervenir pour finalement les laisser agir à notre place. En revanche, certains sujets, comme la promotion de formes pédiatriques pour les médicaments, incluant des évaluations fiables, nous mobilisent sans hésitation ».

« Développer l’accès aux nouvelles thérapies, rapidement et équitablement, est une de nos missions », poursuit Yann Le Cam, père d’une adolescente atteinte de mucoviscidose, rompu aux enjeux de santé publique chez Aides, l’AFM (Association française contre la mucoviscidose) et dans une fondation aux États-Unis.

Dernier succès en date, une réforme de la législation sur les médicaments, qui accélère la mise sur le marché des traitements, et ce dans tous les pays membres simultanément. C’est une avancée significative alors qu’une enquête, menée par le collectif fin 2002, révélait d’énormes disparités d’un pays à l’autre : malgré un feu vert valable pour l’Union européenne, des médicaments étaient disponibles en Allemagne mais pas en Belgique, ou encore deux fois plus chers en Grèce qu’au Portugal…

Comparer pour faire évoluer, en identifiant des bonnes pratiques de prise en charge par exemple, c’est une méthode de choix pour le collectif et il faut reconnaître qu’elle est riche d’enseignements. Ainsi, s’étonnaient malades et professionnels lors d’un congrès européen organisé en novembre 2003, une personne atteinte de mucoviscidose a-t-elle une espérance de vie de 45 ans au Danemark, au lieu de 29 ans en France, alors que notre système de santé est réputé l’un des meilleurs au monde !

Comment faciliter la transposition d’expériences d’un pays à l’autre, inciter à travailler en réseau ? La réponse est dans les étoiles. A côté de chez vous.

Contacts :

Eurordis

Hôpital Broussais

Plateforme Maladies Rares

Bâtiment Gaudart d’Allaines

102, rue Didot

75014 Paris

France

Tél : 33 (1) 56.53.52.10

Fax : 33 (1) 56.53.52.15

Mail : eurordis@eurordis.org

Site : www.eurordis.org

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