Si les Forums sociaux à l’échelle mondiale et continentale deviennent des moments incontournables dans la construction des alternatives, peu de personnes sont au fait du mode d’organisation de tels événements. L’enjeu est pourtant de taille : il en va du respect du processus démocratique au sein du mouvement, diversité de la bouillonnante galaxie alter-mondialiste oblige. Qu’en est-il dans le cadre du FSE ?

Qui se cache derrière le FSE ? Réponse : une galaxie importante de structures qui ont dû mettre en place une organisation complexe pour tenter de respecter un processus démocratique dans les prises de décision.

Concrètement, en décembre 2002, s’est constituée l’Assemblée européenne de préparation (AEP) du FSE 2003, composée de plus de 1500 organisations européennes, et organe de décision de la manifestation. Durant ces mois de préparation, l’AEP s’est réunie 5 fois (deux fois à Paris, Bruxelles, Berlin, Gênes) pour établir le programme, les grands axes de débats, les intervenants en séances plénières et en séminaires.

L’AEP comprend 250 associations françaises, signataires de l’appel unitaire décrivant la démarche du FSE, et membres adhérents du « Comité d’Initiatives Français » (CIF). Ce groupe continue du reste de croître, les associations françaises étant de plus en plus nombreuses à signer la déclaration. A travers des réunions mensuelles, le CIF a défini les grandes lignes de l’organisation du FSE et a validé les initiatives du secrétariat d’organisation. Réunions auxquelles des organisations non-signataires ont pu assister, en tant qu’observatrices.

Une structure pyramidale

Instance décisionnelle  » politique « , selon Marie Stutz, permanente salariée du FSE, le secrétariat d’organisation (SO) est composé d’une quarantaine de membres actifs du CIF (1), issus des diverses structures – syndicats, groupes locaux, associations de défense de l’environnement, des droits de l’homme et des femmes, structures de l’économie sociale et solidaire, etc., ATTAC, Amis du Monde Diplomatique – qui le composent.

Ces personnes ne sont pas sélectionnées ou élues par le CIF pour le représenter. « Elles sont généralement membres responsables de leur organisation, explique Marie Stutz, et moteurs de l’engagement de leur structure dans le FSE. Leur organisation les met à disposition pour travailler sur le forum ».

Ce secrétariat d’organisation est chargé de l’ensemble des tâches de préparation, de coordination (en particulier avec les municipalités) et du suivi logistique du FSE. Il est partagé en deux groupes de travail – organisation et programme -, eux-mêmes divisés en plusieurs sous-groupes. Il travaille en lien étroit avec le Comité d’Initiative Français, qui valide ses initiatives à échelle française, et sous la responsabilité de l’Assemblée européenne auquel il soumet des propositions que l’AEP, à son tour, entérine. Il s’appuie, depuis le mois d’avril 2003, sur une équipe de salariés permanents (7 à ce jour) qui prend en charge la programmation, l’organisation et la communication, avec l’appui de 3000 bénévoles et de certains membres très actifs du SO.

Enfin, l’association de financement du FSE 2003 a pour objet unique de gérer les apports financiers. Le budget total du FSE s’élève à 3 400 000 d’euros, composé de subventions des villes organisatrices, des Conseils généraux de la Seine-Saint-Denis, de l’Essone et du Val-de-Marne, de l’Etat (via Matignon et le ministère des Affaires étrangères), mais aussi de l’ONG Oxfam, de l’Agence pour la francophonie, des inscriptions, des adhésions au comité d’initiatives et des locations de stands. Ce budget a été récemment réduit en raison du barrage de la droite lors du vote de la subvention de 300 000 euros que le Conseil régional d’Ile de France devait accorder au FSE (voir notre brève à ce sujet). L’association de financement du FSE est placée sous la responsabilité du secrétariat d’organisation.

Elargissement et processus démocratique

Entre chaque Assemblée européenne se sont réunis des groupes de travail européens qui se sont penchés en détail sur le programme, l’organisation ainsi que sur l’élargissement du FSE. Le thème est polémique, comme le souligne un ouvrage (2) récemment publié sur le mouvement alter-mondialiste et dont nous faisons la synthèse dans l’article : Mouvement alter-mondialiste, 4 questions clés pour un débat.

Autres enjeux : l’élargissement « social » du public susceptible de se rendre au FSE (la présence des « sans voix » et du Mouvement de l’immigration et des banlieues l’atteste) ainsi que l’élargissement aux pays du Sud et de l’Est, rendu possible par le Fonds de solidarité (alimenté par une  » taxe solidaire  » de 10%, prélevée sur toutes les inscriptions et adhésions) : une nouveauté de cette année. Ce Fonds finance le déplacement de plusieurs centaines d’intervenants n’ayant pas les moyens nécessaires de se rendre à Paris.

Selon Marie Stutz, l’organisation mise en place fait du FSE un événement « super démocratique »… avec les ennuis que peut comporter un nombre élevé de décisionnaires : lenteurs et manque de clarté notamment. A noter que ce qui réunit la totalité de ces organisations, c’est l’adhésion aux principes de la Charte des principes (voir encadré).

Cela rend-il le processus d’organisation forcément démocratique ? Pas si sûr… Bruno Rebelle, ancien président de Greenpeace France, confie dans l’ouvrage déjà cité : « Force est de constater que le FSM, pas plus que les forums régionaux, n’a su vraiment innover en matière de pratique politique et démocratique. Certes, la forme très ouverte des processus de préparation peut apparaître comme une invitation à la participation la plus large. La réalité est assez différente. La mécanique d’élaboration du programme du FSE de Saint-Denis est à ce titre évocatrice. Les participants du « tour de table » hésitent en permanence entre l’exposé de leur attention sectorielle et spécifique pour s’assurer que « leur » sujet ne sera pas oublié et la nécessité d’élaguer pour définir un programme qui ait du sens et qui soit effectivement lisible par les participants « .

La charte

La Charte des principes régit tous les Forums sociaux et précise que :

 Le Forum n’est pas une entité délibérative. « Les rencontres du Forum social mondial n’ont pas un caractère délibératif en tant que Forum social mondial. Personne ne sera donc autorisé à s’exprimer au nom du Forum, dans quelque édition que ce soit, des prises de position prétendant être celles de tous les participants. »

 Les organisations qui participent au Forum peuvent décider de toute initiative, campagne ou mobilisation citoyenne qui les engage, mais qui n’engage qu’elles.
Lors des forums, la Charte des principes précise que :

 Les séances plénières sont essentiellement des moments d’échanges et de confrontations.

 Les séminaires et les ateliers, organisés à l’initiative des organisations qui le désirent, ont également cette fonction, mais pour partie seulement. Ils permettent aussi de favoriser la mise en place de réseaux, d’élaborer des alternatives et d’organiser la tenue de campagnes de mobilisation.
A noter que toutes les structures participant au FSE 2003, y compris les mairies des villes qui l’accueillent, sont signataires de cette charte.

(1) Amis du Monde diplomatique, Attac, Babels, CADTM – Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde, CCIPPP-Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien, CGT, Collectif des musulmans de France, Collectif dionysien de préparation du FSE, Concertation Associative Environnement Développement Durable, CRID, DRD – Démocratiser Radicalement la Démocratie, Espaces Marx, FCPE – Réseaux Handicap, Fondation Copernic, FTCR – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives, Gamins de l’art-rue, LDH, Marche mondiale des Femmes et Collectif national Droits des femmes, Marches européennes / Euromarches, Marches Européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions, MIB, NO VOX, FSU, Union syndicale-G10 solidaires, Coordination économie sociale et solidaire.

(2) Extraits de l’ouvrage collectif  » Où va le mouvement alter-mondialisation ? « , Ed La Découverte, Paris, octobre 2003 (6,4 euros).

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